Critique Le Problème à 3 corps : Game of Sciences

Pour leur grand retour, D.B Weiss et David Benioff, les deux noms derrière Game of Thrones et sa fin décriée, reviennent avec un nouveau gros morceau littéraire en s’attaquant à l’adaptation de la trilogie de hard SF de Liu Cixin. Que vaut cette première saison, qui adapte le premier livre de la trilogie « Le Problème à 3 corps » ? Notre critique sans spoilers.

Best-seller de la hard SF chinoise

Le Problème à 3 corps est le premier roman d’une trilogie de hard SF ultra-populaire en Chine, écrite par Liu Cixin. On y suit comment le monde va tenter, grâce à l’avancée de la science, de faire face à un évènement qui pourrait annihiler l’humanité. Nous n’irons pas plus loin dans les détails. Ajoutons juste que tout commence lorsque de nombreux scientifiques se suicident à travers le monde, pour des raisons mystérieuses. Le Problème à 3 corps cultive et distille le mystère au fil des 8 épisodes constituant sa première saison, Il vaut mieux donc ne pas en savoir davantage avant de vous lancer dans la série, à moins que vous n’ayez déjà lu les livres.

Contrairement à la trilogie littéraire, Netflix a ici choisi d’occidentaliser la série, puisqu’elle ne prend pas uniquement place en Chine, comme dans le livre, mais principalement en Grande-Bretagne, avec des personnages de tous horizons. Des séries comme Squid Game ou La Casa De Papel ont prouvé que les séries étrangères pouvaient facilement s’exporter au grand public. Avec Le Problème à 3 corps, le choix de partir sur un récit international apparait comme très pertinent avec le thème central et la volonté de créer une œuvre grand public, à l’inverse de la saga littéraire, traitant de notions de sciences très complexes pour les inscrire dans un contexte politique et historique chinois.

Le Problème à 3 corps Netflix

Après tout, la saga littéraire est bien plus populaire en Chine que dans le reste du monde. Preuve néanmoins que la Hard SF est un sujet qui passionne dans toutes les sphères. En l’occidentalisant un tant soit peu (La série n’en renie pas les origines asiatiques pour autant), Netflix choisit peut-être aussi la voie de la sécurité. Le Problème à 3 Corps n’est pas de ces séries sur lesquelles on parierait sur le papier pour devenir LE nouveau mastodonte de la SVOD. Pourtant, c’est presque l’exploit que D.B Weiss et David Benioff parviennent à accomplir en proposant cette adaptation « grand public ». Presque, car aussi passionnant et mystérieux soit son sujet, cet aspect « large audience » cause quelques problèmes à la série, autre que celui des 3 Corps.

Un mystère rapidement éclairé

Comme on le disait, le postulat de départ tourne autour de la communauté scientifique, faisant face à de mystérieuses vagues de suicides. Très vite, on comprend le lien entre un évènement causé durant les années 60 en Chine et la vision d’un mystérieux chronomètre dont semblent être témoins certains individus. À cela s’ajoute certains phénomènes de prime abord surnaturels et on comprend être devant une série qui cherche à cultiver avant tout son mystère scientifique avant d’explorer ses personnages. C’est pour cela qu’on peut regretter qu’une bonne partie du voile mystérieux soit révélé un peu trop rapidement à notre goût. Très vite, la question n’est plus de savoir ce qu’il se passe, mais plutôt comment éviter ce qu’il va se passer.

C’est dommage, car la série retranscrit dans le questionnement une bonne partie de la complexité humaine, avec ses forces (son avancée rapide dans la science), ses potentielles faiblesses (les débats religieux, lorsqu’ils posent certains conflits) et surtout le mensonge. Peut-on faire confiance à une espèce en mesure de mentir pour ses intérêts ? La question paraît saugrenue ici, mais tellement pertinente à l’écran. Elle est à la base même de la menace qui plane sur l’humanité. Menace qui pose d’ailleurs d’autres problématiques. Comment l’humanité réagirait-elle en sachant que son univers pourrait-être bouleversée dans un futur plus ou moins lointain ?

Le Problème à 3 corps Netflix

C’est là l’autre bonne idée d’avoir occidentalisé le roman en plus d’en avoir réduit considérablement le nombre de personnages. Avec ce procédé, Benioff et Weiss s’assurent en grande partie de ne pas trop perdre son public, qui a déjà quelques efforts à faire pour suivre les ramifications scientifiques souvent complexes du récit. Dommage que malgré ce nombre réduit, les showrunners ne parviennent pas toujours à rendre justice aux personnages à l’écran. Un talent qu’ils avaient pourtant en développant Game of Thrones mais qu’ils ont ici perdu, espérons-le provisoirement.

Un récit efficace, mais qui se perd un peu dans son occidentalisation

Le récit se perd un peu trop fréquemment dans les histoires sentimentales ou personnelles des personnages et si on comprend qu’elles ont un intérêt pour que l’on comprenne la logique de tout un chacun dans un contexte de catastrophe imminente (quand bien même, elle n’arriverait pas avant un long moment), ces histoires sont un peu trop bateau et ralentissent le rythme de ces huit épisodes, au point que l’ennui se risque à parfois pointer le bout de son nez. Certains personnages, à l’image du sympathique Saul, parviennent à être attachant, d’autres sont moins accessibles, la faute à une écriture qui manque souvent de les réduire à des stéréotypes.

Le Problème à 3 corps Netflix

De fait, c’est vraiment pour son intrigue que l’on finit par accrocher à la série. Fort heureusement, les auteurs ont un excellent penchant pour le climax, donnant à chaque fin d’épisode l’envie d’immédiatement découvrir la suite. Le Problème à 3 corps n’est pas non plus avare en moments forts. Certaines séquences fascinent d’ailleurs par leur façon d’être à la fois irrésistibles et pourtant si dérangeantes. On pensera notamment à un curieux procédé de déshydratation ou d’une séquence morbide sur un bateau, clou du spectacle de cette première saison. Avec ça, on se dit tout de même qu’en prenant le risque d’être un peu plus « niche », la série aurait peut-être gagné en qualité, ce qu’elle aurait peut-être perdu en accessibilité. Quand on connait la propension de Netflix à annuler ses séries à mi-chemin, c’est sans doute un moindre mal.

Conclusion

En se payant les droits d’adaptations de la série littéraire de Liu Cixin au nez et à la barbe d’Amazon, Netflix s’est peut-être mis une épine dans le pied ou au contraire, à fait l’un des meilleurs paris de son histoire. Peut-être qu’en occidentalisant ce passionnant récit scientifique et sur l’espèce humaine, et en faisant appel à deux auteurs qui ont déjà prouvé leur capacité à adapter et populariser un récit aux rouages complexes, la plateforme cherche à attirer la plus large audience possible.

Globalement, l’idée marche bien sans avoir besoin de totalement renier les origines chinoises de la trilogie littéraire, et tant pis s’il faut passer par des personnages moins nombreux, mais moins attachants. Le Problème à 3 corps s’annonce peut-être moins populaire que Game of Thrones, mais si les auteurs et les producteurs acceptent l’idée de la rendre un peu moins accessible, au risque de perdre quelques spectateurs en chemin, elle pourrait se montrer plus passionnante encore. Mystérieuse, fascinante et inexplicablement attrayante dans sa complexité, elle ne pourra que gagner à explorer plus en profondeur la richesse de son récit.

Le Problème à 3 Corps est disponible intégralement depuis le 21 mars 2024 sur Netflix

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Maximus
Maximus
Quelque part, dans un des millions d'univers infinis qui composent notre multivers, je déteste les jeux vidéos. Je n'y éprouve aucun intérêt et pire, je me montre particulièrement condescendant envers les "gamers". Mais c'est un autre univers.

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