Critique Le Garçon et le Héron : une œuvre testamentaire aussi cryptique que poétique

Dix ans après Le Vent se lève et sa supposée retraite, le grand maitre de l’animation japonaise Hayao Miyasaki revient avec Le Garçon et le Héron. Le cinéaste y convoque tout un questionnement d’héritage dans cette œuvre, sans nul doute sa plus aboutie et sa plus cryptique.

Une œuvre aussi poétique que cryptique

Sorti il y a quelque mois au Japon, Le Garçon et le Héron a été un véritable succès dans les salles nippones. Un succès ne s’expliquant pas simplement par une promotion volontairement minimale, qu’il n’est pas le seul à avoir accompli cette année, mais aussi par le nom du cinéaste derrière le film. Maintes fois annoncée, toujours repoussée, Hayao Miyasaki n’a donc pas pris sa retraite avec Le Vent se Lève. Si l’on prendra des pincettes quant à une nouvelle retraite annoncée avec Le Garçon et le Héron, il est évident que le maître de l’animation japonaise y prépare concrètement sa succession et s’interroge sur le monde qu’il laissera derrière lui.

Vaguement adapté d’un roman de Genzaburô Yoshino publié en 1937,  » Et vous, comment vivrez-vous« , qui a conservé ce titre pour l’exploitation japonaise et fait d’ailleurs une apparition succincte dans le long métrage, Le Garçon et le Héron raconte l’histoire de Mahito, un enfant qui perd tragiquement sa mère dans un incendie, durant la seconde guerre mondiale. Emménageant à la campagne avec son père pour y retrouver celle qui sera désormais sa belle-mère, Mahito fait la connaissance d’un étrange héron cendré parlant. Ce dernier va alors l’entrainer dans un monde aussi fantasque que mystérieux.

Avec son nouveau film, Hayao Miyasaki continue sur la lancée entamée avec son précédent long métrage, à la différence près que cette-fois-ci, la dimension de réalisme dans lequel était ancré ce dernier se retrouve vite atténué par une forte composition mystique, ramenant aux bons souvenirs d’un croisement entre Mon voisin Totoro et Le voyage de Chihiro. Mais le film va bien au-delà de l’imagerie fantasmagorique et poétique sur laquelle se reposait sans problème l’étonnante aventure de Chihiro. Le deuil traversé par Mahito nécessite plusieurs visionnages pour être pleinement apprécié. On y retrouve bien sûr les éléments mystiques et poétiques propres au style du cinéaste, mais jamais ce dernier n’aura réalisé une œuvre aussi cryptique que Le Garçon et le Héron.

Le Garçon et le Héron photo

Le deuil et l’héritage selon Miyasaki

Dès les premiers instants de son nouveau long-métrage, on sait où l’on met les pieds. Formellement, le film prend plus de temps que jamais, au détriment d’un rythme que l’on pourra sentir passer, pour faire vivre au spectateur le conflit intérieur du jeune garçon, l’impact du décès de sa mère et de sa nouvelle vie. Pourtant, dès les prémisses, les éléments préparant au bizarre et au surnaturel sont déjà mis en place, à commencer par ce fameux héron cendré qui partage le nom sur l’affiche.

Si l’aventure de Mahito marque pour ce fameux aspect mystique et métaphorique très prononcé, il ne le fait qu’après avoir présenté tout un segment réaliste et grave. De fait, Le Garçon et le Héron est plus complexe que les autres oeuvres du maître de l’animation japonaise. D’aucuns parleraient même d’une oeuvre presque alambiqué. Hayao Miyazaki y pose en filigrane la question du monde qu’il laissera derrière lui. On peut d’ailleurs y voir ce personnage de grand-oncle comme un miroir du cinéaste et de ce qu’il a construit au cours de sa vie. es éléments se disputent dans un film qui n’aura de cesse de varier ses tonalités, à commencer par l’ouverture façon Le Tombeau des Lucioles du regretté Isao Takahata.

Conclusion :

Le Garçon et le Héron n’est pas le film le plus accessible de Hayao Miyazaki ni même des studios Ghibli au global. Sa tonalité oscillant entre gravité et fantastique, son questionnement sur le deuil et l’héritage au travers un film brouillant régulièrement les pistes entres fantasme et réalité avec son récit mystique l’adresse plus particulièrement à un public plus adulte que de coutume.  Ce n’est pas le premier film mature de Hayao Miyazaki bien sûr, mais jamais le cinéaste n’aura créé une œuvre aussi complexe, presque alambiqué pour traiter les questionnements et les thématiques qu’il cherche à porter.

Le Garçon et le Héron ne sera peut-être pas le dernier film de son cinéaste mais avec ce dont il est question ici, il en porte tous les signes annonciateurs. Un film charnière donc, dont les petits soucis de rythmes ne devraient pas suffire à ennuyer et que l’on prendra plaisir à revoir encore et encore pour cerner toutes les subtilités que le cinéaste cherche à y faire passer.

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Maximus
Maximus
Quelque part, dans un des millions d'univers infinis qui composent notre multivers, je déteste les jeux vidéos. Je n'y éprouve aucun intérêt et pire, je me montre particulièrement condescendant envers les "gamers". Mais c'est un autre univers.

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