Disponible depuis le 06 novembre dernier, The Invincible est le tout premier jeu du studio polonais Starward Industries, fondé par des vétérans ayant travaillé sur The Witcher 3, Dead Island ou encore Dying Light. Que vaut donc ce Walking Sim de l’espace aux inspirations rétrofuturistes un peu « Firewatch » sur les bords ? Lisez notre test pour le découvrir.
Regis, we have un petit problème
Avant tout, il faut savoir que The Invincible est plus ou moins (enfin, plutôt moins que plus) adapté d’un roman éponyme de l’écrivain polonais Stanislaw Lem, publié en 1968. Auteur prolifique dans sa Pologne natale, dont l’œuvre la plus connue à l’internationale reste Solaris. Roman dont le cinéaste Steven Soderbergh a tiré une adaptation avec Georges Clooney dans le rôle-titre. Faut-il avoir lu le livre pour profiter de The Invincible ?
Absolument pas, la preuve, on a pu s’en passer pour ce test. En fait, il n’est même pas nécessaire de connaitre l’existence du livre, mais ça permet à votre rédacteur d’étaler sa prétendue culture et ça suffit à lui donner des paillettes dans les yeux. Au moins, ceux qui auront joué le jeu voudront peut-être découvrir le roman ? comme on va le voir, Starward Industries en donne en tout cas l’envie. En fait, il ne s’agit pas totalement d’une adaptation directe, puisque les évènements qui y sont relatés ici se déroulent plutôt en parallèle du roman, à un autre moment.
Nous y incarnons Yasna, une astrobiologiste qui se réveille sur une planète pleine de sable du nom de Regis III (et non pas Tutooine, ce qui aurait été fort cocasse de la part d’un studio nommé Starward.) Son équipage a disparu et il va donc lui falloir tenter de les retrouver, en plus bien évidemment de comprendre comment elle a pu se réveiller sur cette planète et ce qu’il s’y trame. On ne dira pas grand-chose de l’histoire (ce serait quand même bête de gâcher l’intérêt premier d’un jeu narratif) mais on souligne que celle-ci se montre assez captivante et devrait vous tenir en haleine entre 5 et 7 heures.
Firewatch de l’espace
The Invincible se présente comme un walking sim. Comprenez par là que vous allez devoir marcher, beaucoup, et que les éléments de gameplay sont très peu nombreux. Des jumelles, une carte qui fait office de boussole, un détecteur de métaux et un traceur de données aléatoires, voilà le matériel qui servira à Yasna au cours de son périple. Mais malgré ces accessoires qui laissent entendre une part belle à l’exploration, nous avons constaté durant notre test que The Invincible se veut très dirigiste. Le Game Over est juste impossible et se perdre est assez rare, puisque les zones sont relativement fermées, ce qui est assez dommage, mais nous y reviendrons.
Notre spationaute en herbe n’est pas totalement seule puisqu’elle est accompagnée de Novik, l’astrogateur (ou commandant du vaisseau) par radio interposée. Ce dernier va la guider tout au long de l’aventure, faisant aussi office de guide pour les joueurs, en mal de solitude. Un procédé qui ne manque pas de rappeler celui d’un petit chef-d’œuvre vidéoludique, Firewatch, lui aussi walking sim de son état, mais en forêt. Mais on est assez loin de la richesse et de la complexité relationnelle entretenue par Henry et Delilah dans Firewatch, que ce soit par leur manque de profondeur ou celui des dialogues.
Mais la relation fonctionne tout de même comme on le disait grâce à un très bon doublage (proposé ici en anglais sous-titrés français, pas de VF intégrale) et parce que de la même manière que son modèle, le personnage de Novik parvient quand même à instaurer une présence presque rassurante durant l’aventure de Yasna, tranchant avec la solitude que lui procure (ainsi qu’à nous, pauvres joueurs) la solitude de Régis III. Ce sentiment n’empêche toutefois pas une certaine lassitude de vite peser sur nos épaules.
The Walking Dead Space
Qui dit Walking Sim dit longue marche. Bon, on dit aussi « Rover » après quelques heures de jeu, mais c’est essentiellement de la marche. Avec un tel concept, l’ennui peut toujours très vite pointer le bout de son pied, n’en déplaise à Hideo Kojima, et malheureusement, c’est ce qu’il se passe dans The Invincible. La progression est en effet très dirigiste et les interactions sont quasiment inexistantes, si ce n’est avec des personnages ou objets qui, s’ils ne sont pas toujours inanimés, manquent cependant de vie. De quoi pousser plus loin le sentiment de solitude ? certes, mais surtout le manque de dynamisme général du récit.
Malgré la nécessité presque évidente de créer un sentiment de solitude avec la lenteur du jeu, il faut dire que celle-ci joue plutôt contre elle, mais n’aurait pas été autant prise à défaut si l’implication du joueur était plus poussée. Pas d’énigmes particulières à résoudre, d’ennemis à terrasser, de camps de méchants à infiltrer, ni 150 choix à faire ou 150 chemins à emprunter, puisque le scénario comme le tracé est en fait entièrement balisé. Enfin, presque entièrement. Parce que du choix, il y en a un peu à vrai dire. Dans la narration, comme les chemins à prendre justement. Un peu.
En effet, à plein de reprises dans le jeu, Yasna va pouvoir prendre des décisions durant ses appels radios avec Novik. Souvent, il s’agira juste de répondre quelque chose d’aléatoire aux remarques de notre commandant. À un moment où le jeu se voudra quand même plus ouvert, il sera aussi possible de prendre des chemins différents pour découvrir de petits aspects inédits de l’histoire. Pour avoir essayé plusieurs runs, on peut toutefois affirmer que ces choix ne changent en fait quasiment rien, si ce n’est les cases d’une BD interactive résumant le parcours des joueurs/ Yasna et c’est surtout la fin du jeu qui se montrera globalement généreuse sur cet aspect.
Une direction artistique qui flatte la rétine
Au lancement, The Invincible ne paie pas vraiment de mine avec son style graphique 3D coloré et cel-shadé qui trahit instantanément le milieu indépendant auquel il appartient. Mais il ne faut que quelques pas et moins d’une heure pour vite réaliser l’étendue de la beauté qu’a à nous offrir The Invincible. La planète Regis III a beau être intégralement, ou presque, recouverte de sable, avec ses étendues d’eau par-ci par-là, elle fait une très forte impression avec ses effets météorologiques, ses effets de particules étonnamment détaillés pour une production de cet acabit, autant que la qualité globale des éclairages. Et on ne parle pas des très nombreux panoramas offerts par la planète, qui n’ont pas grand chose à envier à Starfield.
Un aspect que les développeurs ont vraisemblablement souligné puisque le jeu s’épure de toute forme de HUD, pour ne mettre en avant que le casque de notre héroïne, agrémenté du micro qui lui permet d’établir sa communication avec notre astrogateur de service. Ceci sans compter un mode photo, simple, mais efficace. Les développeurs ont même poussé le sens du détail au point de créer de la buée à l’intérieur du casque, lorsque après une (très très) brève course, Yasna s’essouffle. Dommage que cette beauté visuelle ne donne pas au jeu suffisamment d’éléments pour découvrir les 11 fins du jeu. On en a découvert 3 et ce n’est franchement pas si mal.
Résumé de notre test de The Invincible
The Invincible n’est pas l’aventure narrative la plus mémorable de l’année. En termes de walking sim, le soft souffre également de détails qui lui font défaut, même pour le genre. Le gameplay est assez peu engageant et les choix sont comme souvent assez illusoires puisqu’ils mènent globalement toujours au même schéma si ce n’est sur la fin. Mais en dépit de sa lenteur et de son manque trop prononcé de punch, The Invincible propose ce petit on-ne-sait-quoi qui fait que ça fonctionne globalement bien.
Est-ce dû à son histoire, thriller qui parvient à se montrer captivant avec sa portée philosophique ? à la qualité de ses doublages ? à la beauté de cette planète sableuse qu’est Regis III ? ou alors un peu de tout ça à la fois ? Suffisant à le noter comme une franche réussite, peut-être pas, mais à surveiller Starward Industries comme un studio qui pourrait bien compter dans un avenir proche, assurément.
The Invincible est disponible depuis le 06 novembre 2023 sur PS5, Xbox Series X|S et PC
Points forts
- C’est très beau
- Une histoire captivante…
- très bon doublage
- différentes fins suivant les choix
- L’alchimie entre Yasna et Novik…
Points faibles
- Gameplay trop peu engageant même pour le genre
- … qui manque tout de même de dynamisme
- Les choix en cours de jeu n’ont pas vraiment d’impact
- … malgré un manque de profondeur et de subtilité dans leurs personnalités et interactions.