Pour son nouveau film, Civil War, Alex Garland entraine Kirsten Dunst au cœur d’une Amérique qui se déchire dans une nouvelle guerre civile. Un scénario post-apocalyptique terrifiant et intense, tel un véritable reportage de guerre… notre critique.
Civil War sans Captain America
Dans Civil War, Alex Garland filme ce à quoi pourrait s’apparenter une deuxième guerre civile aux États-Unis. Un scénario inscrit dans un contexte post-apo si réaliste avec son contexte politique qu’il en est d’autant plus terrifiant. Garland raconte ce conflit par le prisme d’un objectif. Pas celui d’un fusil, mais celui de l’appareil photos d’une bande de reporters de guerre. Le but visé : atteindre Washington pour réaliser ce qui pourrait être l’interview du siècle. Mais à la manière de journalistes filmant le quotidien, Alex Garland ne prend aucun parti, ne s’aligne dans aucun camp. Seul compte l’absurdité et les horreurs qui en découlent.
Pour sa mission, Lee Miller, le personnage de Kirsten Dunst est accompagné de trois autres reporters. Joel, partenaire avide de sensations fortes, incarné par Wagner Moura (connu pour son rôle de Pablo Escobar dans Narcos), Sammy, un vieux de la vieille (Stephen McKinley, vu dans le « Dune » de Villeneuve) et surtout Jesse, une apprentie reporter à la fois naïve et téméraire, interprétée par une Cailee Spaeny, qui confirme sa lancée sur la scène hollywoodienne après sa performance en Priscilla Presley, dans le biopic de Sofia Coppola. Nous la retrouverons prochainement dans Alien Romulus, où elle tiendra le premier rôle.
Cette galerie de personnages, aux relations souvent conflictuelles, se retrouvent pour un road trip à travers une Amérique à feu et à sang, et ce, dans un même but. Être l’œil témoin d’une fracture étatique navrante et absurde, faisant fi de tout jugement. C’est sûrement pour cette raison que Garland reste flou quant au départ de ce conflit. D’ailleurs, la guerre qui déchire le pays est sur le point de toucher à terme lorsque le film commence. Ce qui intéresse ici le cinéaste est de montrer. Juste montrer.
Sans jugement de valeur, exactement comme le ferait un reporter professionnel. Il met alors ses personnages au cœur des conflits. Il ne se pose jamais de question sur le bien et du mal. Comme en témoigne cette séquence ou deux soldats s’affrontent par snipers interposés. Sans se soucier de savoir s’ils sont du même bord ou non.
Un conflit pas si imaginaire
Alex Garland à un véritable savoir-faire quand il s’agit de dépeindre des futurs dystopiques en combinant divers éléments plus ou moins futuriste à ses inquiétudes personnelles. Que ce soit l’IA avec Ex-Machina ou encore l’écoresponsabilité dans Annihilation. On y notera même des rappels à 28 Jours Plus Tard, dont il avait signé le scénario. Notamment par l’image renvoyée par les soldats. Ici, il aborde un sujet plus délicat sur le plan politique. Un point tellement raccord avec l’actualité, que cela explique le choix de ne pas prendre de parti.
Avec son style et ce qu’il a à raconter autour d’un pays qui se déchire, on se rêve à le voir derrière la caméra pour raconter un futur dystopique dans lequel l’Amérique se reconstruirait. Oui, on parle bien de l’adaptation de Death Stranding, et du fait qu’il serait actuellement le choix de réalisateur idéal, selon nous. Ça tombe bien puisque tout comme pour Civil War, c’est aussi A24 qui est en charge de la production et la distribution du futur film (distributeur personnellement choisi par Hideo Kojima, excusez du peu…).
Pour autant, Alex Garland ne cherche pas à dépeindre des personnages n’ayant plus une once d’humanité. Malgré son caractère de prime abord froid avec Jesse, Lee est avant tout protectrice. Elle qui n’est pas enjouée à l’idée que cette jeune bleue du reportage se lance dans le voyage. Pour cause, comme elle l’explique dans le film, son but n’a jamais été d’encourager les amateurs à se lancer dans le journalisme. Il s’agissait au contraire de les en dissuader.
À ce titre, on note aussi l’évolution intelligemment contradictoire de Jesse, qui devient alors un miroir à celle de Lee. Le climax du film, qui doit justifier à lui seul le budget « record » injecté par le studio A24 en témoigne. Entre Lee qui semble capter pour la première fois l’horreur du conflit autour d’elle, là où Jesse en éprouve clairement une fascination, comme en témoignent ses derniers clichés. Enfin, outre la réussite technique, Garland réalise également un film très anxiogène.
Si les personnages connaitront parfois des moments de paix durant leur traversée, comme en tombant sur cette petite bourgade qui fait tout pour rester le plus loin possible, nos reporters connaitront principalement des moments forts en émotions, qu’ils soient directement impliqués ou non. L’occasion de voir à nouveau briller, le temps d’un court instant, Jesse Plemons (mari à la ville, de Kirsten Dunst), qui se montre toujours aussi bon dans des rôles de sociopathes.
Conclusion
Avec Civil War, Alex Garland signe peut-être l’un de ses meilleurs films en tant que réalisateur. En prenant le parti de raconter ce récit dystopique d’un futur qui ne semble jamais si lointain à travers les yeux de journalistes, Alex Garland se pose comme un simple témoin de l’absurdité des guerres, et de ce qu’il considère être le véritable rôle des reporters de guerre : poser un regard sur l’horreur des conflits pour le transmettre et laisser les spectateurs seuls juges de ce qu’ils y voient. Quitte à capter littéralement à travers divers objectifs photos des plans d’une horreur saisissante par leurs retranscriptions réalistes.
Civil War, un film d’Alex Garland, avec Kirsten Dunst, Cailee Spaeny et Wagner Moura, au cinéma le 17 avril.